Vincent de Paul naît le 24 avril 1581 à Pouy dans les Landes, région du sud-ouest de la France. Ses parents, propriétaires de la ferme de Ranquines, sont des catholiques fervents. Parmi leurs six enfants, c’est le troisième, Vincent, à l’esprit vif, qui va porter les ambitions du père : la carrière ecclésiastique, chemin privilégié d’une ascension sociale.
Vincent est donc envoyé au collège de Dax. Élève très sérieux, remarqué pour ses résultats brillants, il devient précepteur chez M. de Comet, avocat, qui, appréciant ses qualités morales et son profond sens religieux, l’encourage à s’orienter vers la prêtrise. En 1598, Vincent s’installe à Toulouse pour faire des études de théologie. Quand survient la mort de son père, il prend en charge, pour subvenir à ses besoins, une petite pension pour étudiants.
En 1600 Vincent est ordonné prêtre. Il n’a pas 20 ans ! Il continue études et préceptorat, mais se débat dans des soucis financiers. C’est alors qu’en 1605 il bénéficie d’un legs, mais la somme a été détournée par un garnement qui a quitté la région. Vincent, sûr de son bon droit et bien décidé à se défendre, part à Marseille où il retrouve son homme, le fait emprisonner et reçoit les 300 écus qui lui sont dus. Satisfait, il repart, cette fois par mer, la tête pleine de projets…
Il va être arrêté dans son élan… Deux années d’absence s’écoulent, rompues en 1607 par deux lettres à M. de Comet dans lesquelles Vincent raconte sa pénible aventure : son embarcation aurait été attaquée par des corsaires turcs, il aurait été capturé, vendu comme esclave et détenu en captivité à Tunis puis Alger; c’est à l’intercession de la Vierge Marie, qu’il n’a cessé de prier, qu’il attribue son retour, sain et sauf. D’Avignon où il a débarqué, Vincent reprend sa course ! Il part à Rome où il passe une année et en 1608… enfin… Paris !
Pétri par Dieu
Dans le quartier Saint-Germain, Vincent partage une chambre avec un compatriote. Il suit les cours de droit canonique à la Sorbonne. Auprès des malades qu’il visite à l’Hôpital de la Charité, il fait une rencontre qui le transforme: Pierre de Bérulle, prêtre, futur fondateur de l’Oratoire en France, est un grand spirituel; il va soutenir Vincent dans la dure épreuve de la calomnie. Accusé publiquement de vol par son co-locataire, Vincent, profondément meurtri, garde une héroïque patience. Il devra attendre six mois pour que justice soit faite.
Vincent s’installe rue de Seine, près du palais de la reine Margot, première épouse d’Henri IV. Grâce à ses relations de voisinage, il est nommé dans le Collège des aumôniers de la reine. C’est une marche importante dans son ascension sociale que Vincent vient de franchir.
Mais un nouveau coup dur l’atteint : l’épreuve du doute. S’étant offert à Dieu pour délivrer un confrère assailli de doutes violents, Vincent, exaucé, devient lui-même la proie du désespoir. Un jour, à l’Hôpital, Vincent, accablé, fait le vœu de consacrer sa vie aux pauvres et aux malades s’il est délivré de cette tentation. Et il l’est ! Il comprend ce signe de Dieu. Quelques mois plus tard, il fait un premier pas dans le détachement en remettant à l’Hôpital un don important.
Que de chemin parcouru ! Vincent a 30 ans. Les épreuves l’ont changé. Il a découvert par Bérulle et par un théologien de la Sorbonne, André Duval, une haute conception de la prêtrise. Ses aspirations spirituelles croissantes vont l’emporter sur son désir de réussite matérielle.
Le 2 mai 1612, Vincent est nommé curé de Clichy. Dans ce village aux portes de Paris, il est un prêtre heureux, qui déborde de zèle et dont la piété et la vie exemplaire édifient les paroissiens. Vincent découvre son sacerdoce.
L’irruption de la grâce
Fin 1613, Vincent est nommé à Paris précepteur dans une famille illustre. Philippe-Emmanuel de Gondi est Gouverneur général de la flotte de la Méditerranée. Madame de Gondi reçoit, dans leur Hôtel du Marais, toute l’aristocratie, les sommités des sciences, des lettres et des arts . Chrétienne très fervente, elle va apprécier chaque jour davantage les qualités de Vincent, qui devient son conseiller spirituel.
Au moment où il a obtenu ce qu’il recherchait, une fonction honorable dans une grande famille, l’horizon et la perspective de Vincent vont se transformer totalement. Au cœur de l’hiver 1617, au chevet d’un pauvre malade de la campagne, Dieu lui fait signe. Vincent, séjournant avec les Gondi au château de Folleville, près d’Amiens, est appelé auprès d’un moribond qui, après s’être confessé, confie à Madame de Gondi : « Sans cette confession, Madame, j’étais damné ! » Stupéfaite, Madame de Gondi entrevoit l’immensité du mal et supplie Vincent d’agir. Le 25 janvier, Vincent, en l’église de Folleville, exhorte les paroissiens à la confession générale. Les gens sont si touchés de Dieu qu’ils y viennent tous. Cette première mission va donner naissance à une nouvelle congrégation.
Mais il se sent à l’étroit chez les Gondi. Secrètement, il part à Châtillon-les-Dombes, près de Lyon. Le 1er août 1617, il y est installé comme curé. C’est alors qu’un dimanche, juste avant la messe, on vient lui dire que tous les membres d’une famille tombée dans la misère, sont malades. Comme à Folleville, Vincent prononce en chaire des paroles fortes. Les paroissiennes se mobilisent à son appel. Alors Vincent réunit les dames les plus décidées et écrit un règlement d’association. Le 8 décembre 1617 la première Confrérie de la Charité est érigée solennellement. Vincent vient de confier aux femmes laïques une mission dans l’Eglise, le ministère de la charité.
Le choix des pauvres
Avec ces deux événements qui l’ont frappé au cœur, l’abandon spirituel et la détresse matérielle, le mystère de la présence du Christ dans les pauvres s’illumine pour Vincent. Mais les Gondi le réclament. Vincent revient donc à Paris. Il ne s’agit plus pour lui d’être précepteur. Sa voie est tracée : il sera aumônier sur les terres des Gondi.
Or dès 1618, Vincent se lance dans une œuvre audacieuse : l’aide aux galériens. Les récits de Philippe de Gondi lui ont fait entrevoir l’horreur de la situation. Sur les galères comme dans les cachots insalubres, les prisonniers sont soumis aux mauvais traitements. Après une visite bouleversante à la prison de la Conciergerie, M. Vincent use de son influence auprès de M. de Gondi qui entreprend alors une vaste réforme et fait créer pour M. Vincent la fonction d’Aumônier général des galères.
A cette époque, Vincent fait une double rencontre inoubliable : saint François de Sales, dont la douceur et la bonté sont comme le sourire de Dieu qui éclaire sa vie, et sainte Jeanne de Chantal, co-fondatrice de la Visitation dont Vincent deviendra Directeur à Paris quelques années plus tard.
Les missions se poursuivent sur les terres des Gondi. Le projet d’une société de prêtres sous la direction de M. Vincent se fait jour. Madame de Gondi rassemble les fonds, obtient les bâtiments du Collège des Bons Enfants, près de l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, à Paris. Le 17 janvier 1625, Monsieur et Madame de Gondi signent avec M. Vincent le contrat de fondation de la Congrégation de la Mission.
Ayant accompli ce qui lui tenait tant à cœur, Mme de Gondi meurt le 23 juin, assistée de saint Vincent qui, quelques mois plus tôt, a rencontré sainte Louise… Vincent s’installe à l’automne au Collège des Bons Enfants avec ses missionnaires. Quant à M. de Gondi, il devient prêtre à l’Oratoire.
L’amour de l’Eglise
Comme pour d’autres grandes figures de son temps, Bérulle, Olier, saint Jean Eudes, la réforme du clergé est pour Vincent une urgence. Lui-même a vécu la course aux bénéfices, il a aussi constaté, au cours de ses missions, l’ignorance du clergé rural. Tout cela allume en lui le désir d’y remédier.
En 1631, Vincent lance à Paris une « retraite pour Ordinands » qui rencontre un vif succès. Etabli en 1632 au Prieuré Saint-Lazare – d’où le surnom de Lazariste – il organise l’année suivante les « Conférences du mardi » pour les jeunes prêtres. Puis, il va instaurer des retraites ouvertes à tous les prêtres et même aux laïcs.
Vincent fonde un séminaire pour écoliers, et un séminaire pour adultes pour les besoins de sa Congrégation en 1642. Il participe à la création de séminaires dans de nombreux diocèses.
Vincent s’applique activement à la rénovation de la hiérarchie catholique du Royaume. Appelé en 1643 par la reine Anne d’Autriche à siéger au Conseil de conscience, il va, pendant dix ans, faire accéder à l’épiscopat des prêtres pieux. et intègres. Vincent poursuit la révolution dans l’exercice de la charité amorcée en 1617. Avec Louise de Marillac, d’abord engagée auprès des Dames de la Charité, il fonde le 29 novembre 1633 la Compagnie des Filles de la Charité, des femmes données à Dieu, mais non cloîtrées, pour le service des pauvres. La première, Marguerite Naseau, meurt en soignant les pestiférés.
Maintenir l’intégrité de la foi est un autre combat de Vincent. Avec intelligence, charité, persévérance, fidèle à l’Evangile et à l’Eglise de Rome, Vincent réprouve un courant de pensée : le jansénisme, condamné en 1653. Ses nombreuses interventions, verbales et écrites, montrent ses connaissances en théologie, son esprit critique aiguisé, et ses dons d’habile pédagogue toujours soucieux de ramener les âmes à la vérité.
Charité sans frontières
Vincent est pressé d’agir par le clergé de Notre-Dame pour les enfants abandonnés dans les rues de Paris. Les survivants, portés à la maison de la Couche-Landry, sont l’objet de mauvais soins et, de plus, victimes de brigands sans scrupules qui s’en emparent pour mendier aux portes de la Cathédrale. En 1638, Vincent et Louise fondent l’Oeuvre des Enfants Trouvés.
La guerre de Trente ans ravage le pays. La population est écrasée par les impôts et réduite à la famine. Les hôpitaux sont surchargés, les conditions sanitaires désastreuses. Vincent mobilise une armée de la charité pour les provinces sinistrées, fait envoyer vivres, vêtements, outils, semences.
Puis la guerre civile sévit à Paris. La population, affamée et décimée par la peste, est secourue par les Filles de la Charité et les Prêtres de la Mission. Bouleversé par les misères qu’il côtoie, Vincent intervient auprès de la reine et de son ministre Mazarin.
Vincent vole au secours des réfugiés de Lorraine, dont les familles aristocratiques exilées à Paris sont sans ressources; des réfugiés d’Irlande, nombreux à Paris suite à la persécution de Cromwell; des parisiens touchés par les inondations de 1652; des esclaves vendus sur les marchés d’Alger ou Tunis.
Toutes ses œuvres se déploient : les Confréries de la Charité se multiplient, des écoles gratuites sont confiées aux Filles de la Charité, que Vincent envoie aussi auprès des galériens, pour lesquels un hôpital est ouvert à Marseille, et auprès des vieillards indigents de l’Hospice du Nom de Jésus.
Ses trois fondations s’implantent hors de France : Pologne, Italie, et pour les Prêtres de la Mission : Afrique du Nord, Irlande, Madagascar, Écosse, les îles Hébrides.
Monsieur Vincent meurt le 27 septembre 1660. Pour tous les pauvres et partout, il a été un refuge. L’amour est inventif jusqu’à l’infini…